FELIXBAHRET





Pavillon Lied von der Erde, Pavillon, 2023
Chateau de la Mâye, Fonds de Dotation Verrecchia, Versailles, France
Installation View, Photo: Felix Bahret




Le leurre de la désambiguïsation

Dans la chanson de la terre (Das Lied von der Erde), Gustav Mahler se détache de ses préoccupations pour le folklore autrichien en faveur d'un orient imaginé. Par l'adaptation de poèmes chinois récemment traduit, il se sert d'autres clés que celle de la musique occidentale. Selon Adorno, en 1908, « l'exotisme » des impressionnistes n'était déjà plus à la mode. Mahler utilise alors des intervalles pentatoniques qui à l'époque furent considérés comme une innovation osée et qui inspirèrent son disciple, Arnold Schönberg, à en faire une version condensée pour un ensemble de chambre.

Le Lied démarre avec plusieurs mouvements vivaces, voire frénétiques: « Ah dis, petit oiseau, est-ce déjà le printemps ? » demande l'ivrogne et, après avoir reçu la réponse positive, décide de s'en foutre du printemps : « Laissez-moi être saoul. » Mais tout à coup, le dernier mouvement débute avec une grande gravité. Le héros attend son ami qui n'apparaît qu'après un long et douloureux interlude instrumental. L'ami annonce son départ pour toujours et « ewig, ewig », toujours, sont ses derniers mots infiniment répétés.

Mais si le Lied signale un départ de la tradition romantique dans sa forme comme dans son contenu, force est de constater que la relation de Mahler avec son patrimoine musical ne fut jamais simple. Adorno atteste de cette ambiguïté et rejette l'idée qu'il s'agisse d'un illusionnisme confortable. Au contraire, il y voit une prémonition sombre comme si « le temps inaltéré, sauvage, avait surpris Mahler dans son existence bourgeoise tardive. » Avec le Lied, cette intuition devient finalement une réalité tangible. On y voit Mahler « désinvestir l'espoir d'une protection collective pour ce qui lui appartient ». Au moment où il l'écrit, Mahler est forcé à la démission de son poste de chef de l'opéra de Vienne. Le Lied signifie, selon Adorno, le prélude de son émigration.

En costume gris, cigarette dans la bouche, Leonard Bernstein s'adonne à un entretien pour la télévision pendant des répétitions à Tel Aviv. Accompagnant quelques passages au piano, il est convaincu que Mahler arrive vers la fin du Lied à une résolution parfaite. Selon lui, son embrassement de la mort reflète la quintessence de la philosophie orientale. Ce qui ne l'empêchera pas de commenter sur l'esprit hippie de son époque, qu'il juge « passif ». Nous sommes en 1972.

Pendant le processus du deuil, les états d'élation sont de nature maniaque, note la psychanalyste britannique Melanie Klein. Le sujet croit qu'elle possède l'objet aimé à l'intérieur du soi, idéalisé. Cette idéalisation est perturbée quand l'amour pour l'objet perdu se tourne en haine. Une telle division du soi est d'abord observée par Sigmund Freud. Afin d'accommoder cette division intérieure et la rendre vivable, le sujet a recours à une fiction. Une fiction, ou un fétiche, qui le protàge d'angoisses plus profondes et intolérables. Il est probable que dans ses projections « chinoises » fantasmées, Mahler cherche à réaffirmer sa propre blancheur au moment même où son adhésion à la citoyenneté est contestée.

En 2022, Cate Blanchett incarne une cheffe d'orchestre fictionnelle. Comme son supposé mentor, Leonard Bernstein, Lydia Tàr est obsédée par la musique de Mahler, à propos de laquelle le film ne nous apprend rien. Cependant, elle ne dirigera pas la cinquième symphonie : Ayant adopté le chauvinisme par lequel elle nie avec véhémence d'avoir éprouvé de la souffrance, Tàr est forcé de se fuir. David Marriott écrit qu'à chaque fois que le sujet s'approche du fétiche racial, « le sujet se retrouve dans un lieu ou il préférait de ne pas rester ». Rendu fétiche à lui-même, un Mahler vidé de son contenu symbolise le siège de l'art éternel duquel Tàr a été expulsée. Dans son exil extrême-orientale, où elle est condamnée à mettre en scène des performances de réalité virtuelle, on est tenté de s'apitoyer sur son sort et donner raison à la thèse centrale du film, que la métropole, the city on a hill, est assiégée.

Auguste, 2023


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Revelge, Installation Revelge, 2019
GAO, London, UK
Installation View, Photo: Jonathan Bassett




Lieder, Installation Flamme (Lieder eines fahrenden Gesellen), 2019
AEdT Düsseldorf, Germany
Installation View, Photo: Simon Wienk-Borgert




Petit Bleu Petit Bleu, 2017
GAO, London, UK
Detail, Photo: Zach Furniss




habit&‌eacute Habité (Petit Bleu), 2017
GAO, London, UK
Installation View, Photo: Zach Furniss




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U P C O M I N G
Exhibition presenting results of the residency Fonds de Dotation Verrecchia, Versailles, France, September 2023



P A S T
Sucres Rapides MAX COLLECTIVE, Brussels, 24 November - 1 December 2022
Revelge GAO, London, 15 November - 20 December 2019
NEW GALAXIES Hammer-Purgstall-Gasse 7, 1020 Vienna, 24 September - 1 October 2019
Felix Bahret, Will Spratley, James Trundle Threeworks, Scareborough, 16 August - 20 September 2019
Lieder eines fahrenden Gesellen AEdT, Düsseldorf, May 2019
Ocular Inc. Thames-Side Studios Gallery, London, April 2019
Felix Bahret, Esme Toler Lady Helen, London, March 2019
Wurzelkinder (Berlin-Worpswede Worpswede-Berlin) Ausnahmezustand Worpswede, August 2018
Ascending Delight Glasgow International, Glasgow, April 2018
Petit Bleu GAO, London, September 2017



P U B L I C A T I O N S
Press Release "Revelge" GAO
Interview with Amy Balkin (from 2015) Form IV



F E L I X B A H R E T
1989, Born Bühl (Baden), Germany
2008-2011, Stonemason Apprenticeship, Münsterbauhütte Freiburg, Germany
2011-2012, Foundation Course, CCW, University of the Arts London, UK
2012-2016, BA, Slade School of Fine Art, University College London, UK
2020-2022, MA Fine Art Practice, Dutch Art Institute, ArtEZ, The Netherlands
Lives in Brussels, Belgium


For full portfolio please email: admin@avyakta.de








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